Quand on pense à Jésus, les premiers textes venant à l’esprit sont les quatre évangiles. Cependant, d’autres textes non présents dans la Bible canonique témoignent de la vie du Christ. Interdits ou tout simplement oubliés pendant des siècles, ils apportent une autre vision de Jésus, de son enseignement, et plus généralement des fondements du Christianisme.

Les Évangiles apocryphes : kesako ?

D’après la bible canonique (officiellement reconnue par l’Église catholique romaine*), la vie de Jésus est directement relatée via les récits de quatre de ses apôtres. Il s’agit des évangiles de Matthieu, Marc, Luc et Jean.

Cependant, d’autres évangiles, non validés par l’Église, racontent la vie du Christ et ses enseignements. Probablement écrits entre le IIème et le IVème siècle, leurs formes s’avèrent très hétéroclites. Les évangiles apocryphes regroupent aussi bien des petits fragments (ex: l’Évangile des Ébionites) que des écrits plus longs et complets. La cohérence avec les évangiles canoniques diverge d’un texte à l’autre. Certains, comme l’Évangile gnostique de Thomas (à ne pas confondre avec l’Évangile de Thomas traitant de l’enfance de Jésus), forment une réelle complémentarité avec les écrits officiels.

jesus marie madeleine

De quoi parlent ces textes ?

Comme tous les évangiles, ces écrits traitent de la vie de Jésus et, pour certains, énoncent ses enseignements. Là encore, les thèmes abordés varient beaucoup selon les textes. Si les évangiles canoniques témoignent de la vie de Jésus dans son ensemble, cela s’avère moins vrai pour les autres écrits.

evangile thomas gnostique jesusBeaucoup d’entre-eux insistent sur l’enfance du Christ (peu évoquée dans les écrits canoniques).

Outre les omissions et le manque de complémentarité, certains évangiles apocryphes donnent une toute autre version de ce que contiennent les textes validés par l’Église. Ainsi, dans l’Évangile de Nicodème (ou Actes de Pilate), Jésus n’est pas arrêté par les romains, mais seulement convoqué.

L’un des écrits les plus connus auprès du grand public est l’Évangile de Philippe. Il évoque une relation intime entre le Christ et Marie-Madeleine. Dans ce texte, ces derniers sont d’ailleurs mariés. Un évangile parmi les plus contestés, qui ne manque pas de relancer l’éternel débat sur la nature humaine ou divine du Christ.

Toujours dans cette idée de présenter l’aspect humain de Jésus, certains écrits prêtent d’ailleurs à faire sourire, de part leurs anecdotes parfois insolites. Ainsi l’Évangile des Ébionites dépeint un Jésus végétarien, refusant de manger la viande de la Pâque.

À l’inverse, beaucoup de ces textes sont axés sur la nature divine du Christ. C’est notamment le cas de tous les évangiles gnostiques. Insistant sur le rôle de Sauveur de Jésus, ils donnent au croyant les clés pour trouver le salut. Ces textes, aux discours parfois très ascétiques, appellent à ne pas être centré sur le monde matériel mais sur la recherche spirituelle de la Vérité.

Enfin, beaucoup d’évangiles apocryphes relatent les prodiges et miracles effectués par Jésus. Des phénomènes surnaturels, à l’utilité pratique parfois douteuse. Comme la transformation de figurines d’argiles en petits oiseaux dans l’Évangile de l’enfance selon Thomas…

Pourquoi lire les évangiles apocryphes ?

L’intérêt principal de parcourir ces écrits est de découvrir le Christ sous un autre angle que celui habituellement présenté. Sa famille, sa vie sentimentale, son alimentation, ses enseignements, etc. Si certains évangiles canoniques comme celui de Jean insistent sur la nature divine du Christ, ces écrits font contrepoids à cette vision mystique. Mais présenter ainsi Jésus s’avère à double tranchant. Car être humain signifie être faillible et pécher. Toujours dans l’Évangile de l’enfance selon Thomas, on peut lire un passage où à l’âge de 5 ans Jésus tue un enfant l’ayant juste bousculé.

Un rappel de l’influence gnostique

Parcourir les évangiles apocryphes permettent de se rendre compte de la diversité des groupes chrétiens des premiers siècles. Cela est particulièrement vrai avec le trop oublié courant gnostique.

Ce mouvement s’est développé au cours des trois premiers siècles de notre ère. Pour faire simple, les gnostiques croyaient notamment en une stricte séparation entre un Dieu transcendant et le monde matériel. Ils mettent l’accent sur les enseignements du Christ pour aider les Hommes à trouver le salut.

Les gnostiques constituaient une nébuleuse de sectes très hétéroclites. Malgré un fond théologique commun, leurs croyances, leurs rituels et leur organisations variaient beaucoup d’un groupe à l’autre.

Pour certains très élitistes et/ou ascétiques, ces courants ne cessaient de prendre de l’ampleur. La menace hégémonique des gnostiques pour les Pères de l’Église peut expliquer qu’ils aient été dénoncés comme hérétiques et la mise à l’oubli de l’ensemble des textes gnostiques. Ce n’est qu’à partir du XIXème siècle, que des découvertes archéologiques sortent les théories gnostiques de l’oubli. Certaines, comme celle de Nag Hammadi (Égypte) en 1945 , permettent de retrouver de nombreux manuscrits.

Quel impact sur la culture ?

Bien sûr, l’évocation de la relation entre Jésus et Marie Madeleine fait penser au roman de Dan Brown, Da Vinci Code. Mais l’influence des textes apocryphes ne se limite pas à ce polar. Depuis des siècles, de nombreux créateurs y puisent leur inspiration. C’est par exemple le cas de Berlioz avec l’Enfance du Christ. On sait également que Dante s’est inspiré de l’Apocalypse de Paul (qui n’est, certes, pas un évangile) pour sa Divine Comédie.

Complément : les autres textes apocryphes de la Bible

Les évangiles ne constituent pas les seuls textes apocryphes. Bien d’autres textes viennent compléter la Bible canonique.

Du côté du Nouveau Testament, on relève des récits sur les apôtres (comme les Actes de Jean ou le martyre de Pierre). On trouve aussi des versions de l’Apocalypse telles que l’Apocalypse de Thomas ou les apocalypses gnostiques.

La Bible hébraïque possède, elle aussi, ses écrits apocryphes. Le célèbre Livre d’Hénoch vient compléter la Génèse. Il évoque entre autre les anges et la chute de Lucifer. D’autres textes comme le Testament d’Abraham ou les Odes de Salomon font partie des écrits hébraïques « perdus ».

* La liste des textes reconnus diffère selon les Églises (catholique, Éthiopienne, protestantes, orthodoxes, etc.). Pour des raisons de praticité, nous nous baserons sur le canon de l’Église catholique.

Sources :