Trop occultée par la réalité cruelle de son régime politique, la Libye du colonel Kadhafi reposait sur un socle idéologique inédit. Son Livre vert dépeint les contours d’une société démocratique, basée sur un héritage islamique et une économie socialiste. Découverte de ce que devait être originellement la Jamahirya arabe libyenne.
À l’origine de la grande Libye
Si en France Mouammar Kadhafi est principalement réputé pour ses tenues exotiques et son terrible régime dictatorial, peu connaissent son apport à ce qu’était le socialisme arabe.
Édité pour la première fois en 1975, Le livre vert présente l’ensemble de la théorie politique de la Jamahirya libyenne. Kadhafi y condamne le capitalisme, le communisme autoritaire mais également la démocratie représentative. Son projet ? La Troisième théorie universelle. Cette alternative propose une mélange unique de démocratie représentative et de socialisme, avec en fond les valeurs traditionnelles de la société islamique.
Dénonçant notamment les assemblés parlementaires et la société de classes, l’ouvrage prône la démocratie directe comme impératif. Des congrès et conseils populaires permettent ainsi la mise en œuvre de « l’État des masses ».
Un système ultra-démocratique combiné avec un socialisme autogestionnaire.
Le livre vert présente dans sa deuxième partie l’application d’un système basé sur une juste répartition des richesses et l’appartenance des moyens de production aux travailleurs. L’abolition du salariat, considéré comme de l’esclavage moderne, apparaît comme l’un des objectifs finaux.
Si tout cela rappelle les écrits anarchistes ou communistes occidentaux, la comparaison s’arrête là. Car la Troisième théorie universelle comporte un volet sociétal très conservateur.
La dernière partie forme une espèce de fourre-tout traitant de la nation, des femmes, des noirs ou encore du sport. Porté par l’héritage de sa culture bédouine, Kadhafi y rappelle l’importance de la tribu et de la religion. Cette dernière est considérée comme seul facteur d’unité d’une nation. On retrouve cette conception islamique de la société lors du passage sur les femmes. Bien qu’égales à l’homme, elle ne doivent pas oublier leur « rôle de femelle » en se perdant à effectuer des travaux initialement destinés à la gente masculine.
Pourquoi lire Le livre vert ?
Loin de vouloir ici défendre ou minimiser le régime de Kadhafi, la lecture de son Livre vert permet une meilleure compréhension de ce qu’était son idéologie de départ.
Cependant, l’exercice a ses limites. L’ouvrage de moins d’une centaine de pages tient plus du produit de propagande que d’un réel travail d’expertise idéologique. Kadhafi voulait ici réaliser un opus magnum considéré comme référence en science politique.
Hélas, n’est pas Lénine qui veut ! Certes, les fondamentaux de la Jamahirya arabe libyenne ont le mérite de proposer un projet cohérent. Cependant le style et l’argumentation laissent à désirer. Le dictateur libyen enchaîne les généralités et théories parfois farfelues, souvent sans aucune justification historique, politique ou économique.
Toutefois, tout n’est pas à jeter dans Le livre vert. Remis dans son contexte historique de guerre froide et de montée du mouvement des non-alignés, il possède le mérite de proposer un projet original. A sa manière, l’ouvrage témoigne de cette volonté tiers-mondiste et panarabe de monter un troisième bloc post-nasseriste sur la scène internationale.
Caractéristiques
- Titre : Le livre vert
- Auteur : Mouammar Kadhafi
- Type : essai politique
- Date : 1975
- Pays : Libye
- Statut : autorisé en France
Où se le procurer ?
Le livre n’est plus édité en Libye depuis la chute du régime en 2011. Il est possible de trouver des versions en ligne et en français.
Sources :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Troisi%C3%A8me_th%C3%A9orie_universelle
https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Livre_vert
www.pdfhost.net/index.php?Action=DownloadFile&id=ffa5a1595eadcedba7d21070b2e8ad28